Vous lisez : Façonnage d'emploi L'art de garder vos meilleurs employés

Les employés qualifiés sont une denrée rare et la meilleure façon de les garder est d'apprendre à les connaître mieux qu'ils se connaissent eux-mêmes et d'utiliser cette information pour personnaliser le poste de leurs rêves.

Selon plusieurs, Mark était une étoile à la grande banque de la Côte ouest où il travaillait depuis trois ans. Titulaire d'un M.B.A. d'une importante école d'administration des affaires, il s'était bâti une réputation de «maître des chiffres» et d'habile agent de prêts. Mark touchait un bon salaire et la haute direction avait l'intention de lui donner une promotion. Mais personne ne savait qu'il pensait sérieusement à donner sa démission.

Embaucher du personnel qualifié est difficile, mais comme chaque cadre supérieur ne le sait que trop, le garder est encore plus difficile. Effectivement, la plupart des cadres ont au moins une histoire à raconter à propos d'un professionnel talentueux qui s'est joint à la compagnie en grande pompe, a effectué un travail merveilleux pendant quelques années et puis, un beau jour, est parti. «Elle a reçu une offre qu'elle n'a pu refuser», disent certains, ou «Personne ne reste très longtemps avec la même compagnie de nos jours». 

Nos recherches au cours des dernières douze années suggèrent fortement qu'il existe une toute autre dynamique en jeu. Plusieurs professionnels talentueux quittent leur organisation parce que les cadres supérieurs ne comprennent pas la psychologie de la satisfaction au travail ; ils supposent que les gens qui donnent un excellent rendement sont nécessairement heureux dans leur travail. Cela semble assez logique. Mais, en fait, faire preuve de capacités développées ne n'est pas toujours une indication de satisfaction. De nombreux professionnels, particulièrement, les légions de jeunes de 20 et 30 ans qui sont titulaires d'un M.B.A., sont tellement bien éduqués et sont tellement axés sur les résultats qu'ils peuvent réussir dans presque n'importe quel emploi. Mais y resteront-ils ? 

La réponse est : seulement si le poste correspond à leurs intérêts personnels innés. Ces intérêts ne sont pas des passe-temps ni des passades pour un sujet donné. Plutôt, les intérêts personnels innés sont des passions de longue date, ressenties profondément, qui ont un rapport étroit avec la personnalité et sont donc un mélange indéterminé de penchants naturels et appris. Les intérêts personnels innés ne déterminent pas le rendement d'une personne - ils déterminent ce qui la rend heureuse. Au travail, cette satisfaction se traduit souvent par le dévouement. 

Nous n'avons découvert que huit catégories d'intérêts personnels innés pour les gens qui sont attirés par le monde des affaires. (Voir l'encadré intitulé Les huit catégories.) Les intérêts personnels commencent à apparaître dès l'enfance et demeurent relativement stables durant toute la vie. Par exemple, une fois adulte, l'intérêt personnel de créativité/production peut faire surface sous forme du désir d'être un homme d'affaires ou un ingénieur d'études. 

On peut comparer un intérêt personnel inné à un réservoir géothermique d'eau surchauffée. Celle-ci fera surface à un endroit sous forme d'une source thermale et à un autre sous forme de geyser. Mais sous la surface - au centre de la personne - le réservoir est en constante ébullition. Les intérêts personnels innés semblent toujours trouver le moyen de s'exprimer, même si la personne doit pour cela changer d'emploi - ou de carrière - pour que cela se produise. 

Le façonnage d'emploi est l'art d'apparier les gens aux emplois qui leur permettraient d'exprimer leurs intérêts personnels innés. C'est l'art de tracer un cheminement de carrière personnalisé afin d'accroître les chances de garder les employés qualifiés. Mais ne vous y trompez pas, le façonnage d'emploi est difficile ; cela exige que les gestionnaires soient à la fois détectives et psychologues. La raison : de nombreuses personnes n'ont qu'une vague connaissance de leurs propres intérêts personnels innés. Elles peuvent avoir passé leur vie à satisfaire les attentes de leur entourage à leur égard ou elles peuvent avoir suivi le conseil de choix de carrière le plus fréquent «Faites ce que vous avez de la facilité à faire». 

D'autres gens ne connaissent pas leurs propres intérêts personnels innés parce qu'ils ont suivi le chemin le plus facile : «Et bien, mon père était un avocat.». Ou encore ils n'étaient pas au courant des choix de carrière multiples à certains points critiques de leur vie. Qu'importent les raisons, le fait est que bon nombre de gens et ce, au moins jusqu'à la quarantaine, ne savent pas quel genre de travail les rendra heureux. (Voir l'encadré intitulé Une question de degré.) 

Revenons à Mark, notre agent de prêt à la banque de la Côte ouest. Mark a été élevé à San Francisco, sa mère et son père étaient tous deux médecins et s'attendaient à ce que leur fils fasse une belle carrière comme professionnel. Après avoir obtenu un baccalauréat en économie, il a commencé à travailler pour une prestigieuse société d'experts-conseils de gestion, où il s'est distingué dans son travail. 

Mark, ce qui n'est pas surprenant, excellait à toutes les tâches. Mais, au fil du temps, il devenait de plus en plus malheureux. Il est le genre de personne qui aime réfléchir et décortiquer des problèmes théoriques et stratégiques. De fait, l'un des intérêts personnels innés de Mark est le développement théorique et la réflexion conceptuelle

Heureusement pour Mark et la banque, il a été capable de découvrir, avant de remettre sa démission, le genre de travail qui le rendrait vraiment heureux. Mark travaille présentement dans le domaine de l'analyse de la concurrence et de la formulation de stratégie. Il est très heureux et la banque bénéficie de son énergie redoublée. et de sa loyauté. 

Orientation des carrières : procédure opérationnelle standard 

Comme nous l'avons dit, les gestionnaires échouent en matière d'orientation des carrières - et de la rétention des employés - parce qu'ils font l'erreur de supposer que les gens sont satisfaits dans un emploi où ils donnent un bon rendement. Mais il existe d'autres raisons pour lesquelles l'orientation des carrières échoue. La première est la façon dont les postes sont pourvus et la seconde est le fait que l'orientation des carrières est une tâche qui est souvent reléguée au service des ressources humaines. 

La plupart des gens sont transférés ou promus dans leur organisation selon un calendrier préétabli - par exemple, une nouvelle affectation à tous les dix-huit mois - ou lorsqu'un poste devient vacant au sein de la compagnie. Dans un cas comme dans l'autre, les gestionnaires doivent se dépêcher. 

Parfois, les gens sont promus au sein d'une organisation parce qu'ils l'ont demandé. Un employé talentueux peut, par exemple, informer son gestionnaire qu'il veut être promu à un autre poste parce qu'il veut un défi. Le gestionnaire typique considère alors les compétences de l'employé et essaie de lui trouver une place au sein de l'organisation où il pourra à nouveau faire tout son possible. 

De tels défis, cependant, ne font rien pour tenir compte des intérêts personnels innés. Qu'en est-il du reporter d'actualité qui relève le défi de gérer alors que sa vraie passion (découverte, peut-être, après quelques années de mésaventures en tant que gestionnaire) serait plutôt le journalisme d'enquête ? 

Les compétences peuvent couvrir plusieurs domaines, mais si elles ne sont pas utilisées dans un domaine recoupant les intérêts personnels innés, alors les employés risquent de devenir insatisfaits et désillusionnés. Dans de tels cas, les employés attribuent généralement ce sentiment d'insatisfaction à leur gestionnaire ou à l'organisation. Ils décident que l'organisation n'a pas la bonne culture, par exemple. Ce genre de réflexions mène souvent à une « cure de migration», où l'employé quitte l'organisation pour une autre, seulement pour retrouver le même sentiment d'insatisfaction, parce que le vrai problème n'a pas été décelé et traité. 

Il y a une deuxième raison pourquoi l'orientation des carrières est si mal effectuée. Nous avons découvert que les problèmes surviennent généralement lorsque l'orientation des carrières est reléguée aux ressources humaines. La plupart des gestionnaires de ressources humaines essaient d'effectuer l'orientation des carrières à l'aide de tests normalisés, comme l'indicateur de type Myers-Briggs. Ce test ou les autres tests du même genre n'ont rien de mauvais. En fait, ils sont excellents s'ils sont utilisés pour aider les équipes à comprendre leur propre dynamique de travail. Mais la détermination du type de personnalité ne devrait pas être le fondement de l'orientation des carrières. Certains gestionnaires des ressources humaines utilisent l'Inventaire des intérêts marqués pour déterminer les intérêts personnels, ce qui est un peu mieux, mais ce test demeure trop général. Ce test aide une personne à déterminer si elle devrait être sergent dans la marine ou danseur de ballet, mais il n'aide pas beaucoup celle qui se dit : «Je sais que je veux travailler dans le domaine des affaires, mais quel est exactement le type d'emploi le mieux adapté pour moi ?» 

Le plus gros problème quand on laisse le service des ressources humaines s'occuper de l'orientation des carrières est que les gestionnaires ne font plus partie du processus. L'orientation des carrières, en général, et le façonnage d'emploi en particulier, exige un dialogue constant entre un employé et son patron; elle ne devrait pas être confinée à un autre service, aussi efficace soit-il. L'apport du service des ressources humaines devrait se limiter à la formation et à l'appui qu'il offre aux gestionnaires pour effectuer l'orientation des carrières. 

La technique du façonnage d'emploi 

Le façonnage d'emploi débute par la détermination des intérêts personnels innés de chaque employé par les gestionnaires. Parfois, les intérêts personnels d'un employé sont très évidents - il est des plus heureux de faire un travail, mais déteste effectuer une autre tâche. Mais le plus souvent, un gestionnaire doit sonder et observer. 

Certains gestionnaires s'inquiètent de ce que le façonnage d'emploi exige de jouer les psychologues. Ils ne devraient pas s'en faire. S'ils sont de bons gestionnaires, ils jouent déjà le rôle de psychologue de façon intuitive. Les gestionnaires devraient s'intéresser à la motivation psychologique de leurs employés. En fait, ils devraient ouvertement exprimer leur volonté d'aider leurs employés à ajuster leur carrière et faire un effort supplémentaire pour retenir les employés talentueux. 

Le façonnage d'emploi, en passant, peut également être annoncé à l'extérieur afin d'attirer de nouveaux employés. En fait, durant une récente période de recrutement, un employeur - une firme de Wall Street - s'est acquis un avantage certain sur ses concurrents en soulignant son engagement envers l'orientation des carrières. 

Si les gestionnaires promettent le façonnage d'emploi, bien sûr, ils doivent le faire. Mais comment ? Chaque nouvelle affectation fournit une occasion de façonner l'emploi. Par exemple, un vendeur qui a un intérêt dans le domaine de l'analyse quantitative peut se voir offrir des fonctions où il travaillera avec le gestionnaire de commercialisation de produits ou l'analyste des études du marché, tout en demeurant dans les ventes. 

Mais nous avons découvert que de telles tentatives intermittentes de façonnage d'emploi ne sont pas aussi efficaces que l'insertion du processus directement dans l'évaluation régulière du rendement. Une bonne évaluation du rendement prévoit une période de temps pour discuter du rendement antérieur et des plans pour l'avenir. Si le façonnage d'emploi fait partie de cette conversation, et devient systématique, le risque que la carrière de l'employé soit « oubliée» dans le processus est minimisé. 

Les gestionnaires ont-ils besoin de formation spéciale pour faire le façonnage d'emploi ? Non, mais ils doivent prêter une oreille attentive lorsque les employés décrivent ce qu'ils aiment et n'aiment pas de leur travail. Examinons le cas d'un cadre d'une compagnie pharmaceutique qui gérait une trentaine de vendeurs. Dans une évaluation de rendement, une de ses employés a mentionné en passant que la période de l'année qu'elle avait le plus aimée était celle où elle avait aidé la division à trouver de nouveaux bureaux et à négocier le bail. La conversation a révélé que l'employée était tout à fait insatisfaite et fatiguée de son emploi et qu'elle pensait donner sa démission. En fait, la vendeuse recherchait un travail qui satisferait ses intérêts personnels innés, qui relèvent des domaines de l'influence par le langage et les idées et de la production créative. Le directeur a aidé cette employée à obtenir un poste au quartier général de la compagnie, où sa responsabilité première est de concevoir des documents de marketing et de publicité. 

En plus d'écouter attentivement et de poser des questions durant l'évaluation du rendement, les gestionnaires peuvent demander à leurs employés de jouer un rôle actif dans le façonnage d'emploi, avant que la réunion ne débute. Dans la plupart des organisations, la préparation de l'employé à l'évaluation du rendement inclut une évaluation écrite de ses réalisations, l'établissement d'objectifs pour la période d'évaluation subséquente, la détermination des compétences à développer et le plan d'action pour atteindre ces buts. Au cours de la réunion, cette évaluation est alors comparée à l'évaluation du superviseur. 

Mais imaginons ce qui se passerait si l'employé devait également rédiger ses opinions concernant sa satisfaction au travail. Imaginons s'il devait rédiger quelques paragraphes sur le type de travail qu'il adore ou s'il devait décrire ses activités favorites au travail. Mais il s'agirait d'un excellent point de départ pour une discussion, permettant ainsi aux employés de parler plus clairement de ce qu'ils veulent retirer de leur travail, tant à court terme qu'à long terme. Et cette information rendrait même le meilleur gestionnaire plus efficace. 

Après que les gestionnaires et les employés ont discuté des intérêts personnels innés, il est temps d'ajuster l'affectation subséquente en conséquence. Dans les cas où un employé n'a besoin que d'un changement mineur de ses tâches, cela peut être tout simplement l'ajout d'une nouvelle responsabilité. Par exemple, un ingénieur qui a un intérêt personnel inné dans le domaine de la consultance (counselling) et du mentorat, peut se voir offrir la planification et la gestion des nouveaux employés. L'objectif ici est de donner une certaine gratification instantanée par un changement immédiat et réel du travail et de commencer le processus de transfert de l'individu dans un rôle plus satisfaisant pour lui. 

Parfois, cependant, le façonnage d'emploi demande des changements plus substantiels. Un exemple est Carolyne, une étoile de l'analyse de l'industrie dans une firme réputée de Wall Street. Carolyne était si efficace dans le domaine de la conception et de l'utilisation de nouvelles approches quantitatives pour choisir des actions boursières qu'elle a été déclarée la deuxième employée la plus utile dans tout le groupe, soit une centaine de professionnels des finances des plus talentueux. 

Mais Carolyne avait déjà un pied hors de la firme. Lorsqu'elle a reçu une énorme augmentation (même d'après les normes de sa compagnie et de sa propre histoire de rémunération), elle était en fait en colère, disant à un ami : «C'est typique de cette compagnie ; ils pensent qu'ils peuvent résoudre tous les problèmes avec de l'argent !». Même si elle adorait les analyses et les mathématiques, ce qu'elle désirait vraiment, c'était d'avoir une plus grande influence sur la prise de décisions et la direction du groupe de recherches. Elle avait des intérêts personnels innés dans les domaines du contrôle d'entreprise et de la gestion de personnes et de relations

Une évaluation de rendement a permis à Carolyne d'exprimer à son patron son rêve et ses frustrations. Ensemble, ils ont établi pour Carolyne un rôle du type « joueur-entraîneur», comme coordonnatrice de la recherche. Le façonnage d'emploi a permis à la compagnie de Carolyne de garder certaines de ses extraordinaires compétences comme analyste tout en satisfaisant son désir de gestion. Mais souvent le façonnage d'emploi implique de plus grands sacrifices de la part de l'organisation. Il faut se souvenir que, lorsque Mark a commencé son nouvel emploi dans le domaine du développement commercial, la banque a perdu un agent de prêts talentueux. Parfois, le façonnage d'emploi exige une perte à court terme pour un gain à long terme, bien que nous puissions affirmer dans le cas de Mark - et dans plusieurs autres cas comme le sien - que la banque aurait tôt ou tard perdu ses services. 

Un dernier avertissement. Lorsque le façonnage d'emploi exige d'éliminer certaines fonctions que l'employé déteste, cela signifie également trouver quelqu'un d'autre pour les exécuter. Si le nombre d'employés d'une compagnie est suffisant, ce n'est pas un problème, car une partie inintéressante de l'emploi d'une personne peut être parfaite pour une autre. Parfois, cependant, il n'y a personne pour exécuter les tâches « éliminées». Et parfois aussi, le gestionnaire peut reconnaître qu'il est impossible d'accomplir le façonnage d'emploi que l'employé désire. Dans un tel cas, un gestionnaire peut devoir faire le choix difficile de conseiller à un employé talentueux de quitter la compagnie. 

En dépit de tels défis, le façonnage d'emploi en vaut la peine. Dans une économie du savoir, les biens les plus importants d'une compagnie sont l'énergie et la loyauté de ses employés, c'est-à-dire le capital intellectuel qui, au contraire des machines et des usines, peut démissionner et aller travailler pour la concurrence. Mais encore de nos jours, de nombreux gestionnaires sapent ce dévouement des employés talentueux en les laissant dans des postes où ils donnent un bon rendement, mais où ils ne sont pas heureux. Cela n'a pas de sens. Pour accroître la rétention des employés, il faut connaître le cour et la pensée de ses employés, puis entreprendre la tâche difficile mais enrichissante de façonner leur emploi, rendant ainsi tout le monde heureux.

Une question de degré
Au cours des dernières décennies, une multitude d'études ont été effectuées pour découvrir ce qui rend les gens heureux au travail. Ces recherches se sont toujours concentrées sur trois variables : capacités, valeurs et intérêts personnels. Dans cet article, nous présentons l'argument que les intérêts personnels priment, mais qu'en est-il des deux autres ? Sont-ils importants ? La réponse est oui, mais moins qu'on ne le pense. Les capacités - c'est-à-dire les aptitudes, l'expérience et les connaissances qu'une personne amène au travail - permettent à un employé de se sentir compétent. C'est important ; après tout, les recherches ont démontré qu'un sentiment d'incompétence peut entraver la créativité, sans oublier la productivité. Mais ce n'est pas parce que les gens excellent dans leur travail que celui-ci les intéresse vraiment. Dans le contexte de la satisfaction au travail, les valeurs font référence aux récompenses que les gens désirent recevoir. Certaines personnes veulent de l'argent, d'autres veulent relever un défi intellectuel, et d'autres encore désirent le prestige ou un style de vie confortable. Des gens ayant les mêmes capacités peuvent choisir des carrières différentes en vertu de leurs valeurs. Tout comme les capacités, les valeurs sont importantes. En fait, les gens acceptent rarement un emploi qui ne correspond pas à leurs valeurs. Une personne qui préfère la sécurité financière ne choisira pas une carrière d'entrepreneur indépendant. Mais les gens peuvent être attirés par une carrière parce qu'ils ont les capacités et aiment les récompenses offertes, même s'ils ne sont pas intéressés par le travail. Après une courte période de succès, ils deviennent désappointés, perdent intérêt et démissionnent ou travaillent de façon moins productive. C'est pourquoi nous avons conclu que les intérêts personnels sont la plus importante des trois variables de la satisfaction au travail. Mais seulement les intérêts personnels vous garderont heureux et satisfait à long terme. Et çà, c'est la clé pour la rétention des employés.

 

Les huit catégories

Nous avons conclu que la plupart des gens en affaires sont motivés par au moins un sinon trois intérêts personnels innés, des élans de passion de longue date pour certains types d'activité. Les intérêts personnels innés ne sont pas des passe-temps ou des passades, ce sont des passions innées qui sont étroitement reliées à la personnalité. Les résultats de nos recherches ont été étonnants : plusieurs des tests que nous avons utilisés ont clairement indiqué l'existence de huit groupes distincts. En d'autres mots, le monde des affaires peut être divisé en huit types d'activités fondamentales. Ces fonctions fondamentales représentent la façon dont les intérêts personnels innés sont exprimés en affaires. Voici un résumé de chacun de ces groupes.

1 - Application de la technologie Qu'ils travaillent ou non - ou qu'ils aient été formés ou non - dans le domaine du génie, les gens ayant un intérêt personnel dans l'application de la technologie sont intrigués par le fonctionnement interne des choses. Ils veulent trouver de meilleures façons d'utiliser la technologie pour résoudre des problèmes d'affaires. Il est souvent plus facile de reconnaître les gens qui ont un grand intérêt personnel pour l'application de la technologie. Par exemple ils sont tout excités lorsque la compagnie installe un nouveau système informatique. Mais parfois les signes sont plus subtils. Les gens intéressés à l'application de la technologie approchent souvent les problèmes administratifs avec l'attitude «démanteler pour mieux résoudre». Et lorsqu'un nouveau processus est introduit, ils aiment à «soulever le capot» et à en examiner les entrailles afin de mieux comprendre son fonctionnement, plutôt que de simplement «actionner le démarreur».

2 - L'analyse quantitative Certaines personnes ne sont pas seulement bonnes en chiffres, elles y excellent. Elles les considèrent comme la meilleure, et parfois la seule façon de trouver une solution à un problème d'affaires. De même, elles considèrent les tâches mathématiques comme un plaisir alors que pour les autres, c'est une corvée. Les « maîtres des chiffres» n'occupent pas toujours un poste qui reflète leur intérêt personnel inné. En fait, la plupart de ces individus se retrouvent dans d'autres types de travail parce qu'on leur a dit que, s'ils suivaient leur vraie passion, ils restreindraient leur choix de carrières. Mais ces personnes sont faciles à repérer parce que, peu importe leur occupation, elles sont attirées par les chiffres.

3 -  Développement de la théorie et pensée conceptuelle Pour certaines personnes, rien n'est plus plaisant que de discuter d'idées abstraites : le motif sous-tendant une stratégie les intéresse beaucoup plus que son exécution. Nos recherches ont également indiqué que les gens qui ont cet intérêt personnel inné sont souvent attirés par une carrière universitaire. Certains y arrivent, la plupart non. Comment pouvez-vous identifier les gens qui ont un tel intérêt ? Pour commencer, ils ne sont bavards que lorsque vient le temps de parler de théorie, mais ils adorent également parler de concepts abstraits. Souvent, ce sont les gens qui aiment réfléchir du haut d'une « tour d'ivoire». Un autre indice : ces personnes sont souvent abonnées à des revues intellectuelles

4 - Production créative Certaines personnes préfèrent le début d'un projet, lorsqu'il existe plusieurs facteurs inconnus, alors qu'ils peuvent faire quelque chose à partir de rien. C'est dans une séance de remue-méninges ou lorsqu'ils inventent des solutions complètement originales qu'ils semblent le plus engagés. La raison : la production créative, faire quelque chose d'original qu'il s'agisse d'un produit ou d'un processus, est l'un de leurs intérêts personnels innés. Nos recherches ont démontré que plusieurs hommes d'affaires, des chercheurs et des ingénieurs possèdent cet intérêt personnel inné. Il existe, bien entendu, de nombreux endroits dans le monde des affaires où les gens ayant un tel intérêt peuvent trouver un travail satisfaisant, le développement de nouveaux produits, par exemple, ou la publicité. Heureusement pour les gestionnaires, la plupart des personnes ayant un intérêt dans le domaine de la production créative ne sont pas très difficiles à reconnaître. Elles affichent littéralement leur intérêt, parfois par leur choix de vêtements, mais toujours par leur enthousiasme face à de nouveaux éléments d'une entreprise ou d'un produit.

5 - Consultance (counselling) et mentorat Pour certaines personnes, rien n'est plus agréable qu'enseigner ; en affaires, cela se traduit habituellement par l'encadrement ou le mentorat. Ces individus sont poussés par leur intérêt personnel inné dans le domaine du counselling et du mentorat, leur permettant de guider les employés, leurs collègues et même les clients vers un meilleur rendement. Les personnes vraiment intéressées par ces domaines sont souvent attirées par des organisations, comme les musées, les écoles et les hôpitaux, qui offrent des produits ou des services qu'elles perçoivent comme ayant une valeur sociale élevée. Les gens aiment le counselling et le mentorat pour plusieurs raisons. Certains retirent de la satisfaction lorsque les autres réussissent; d'autres aiment se sentir nécessaires. Les gens qui ont un intérêt personnel inné dans le domaine du counselling et du mentorat se font connaître si leur travail inclut la possibilité de s'y livrer. Mais beaucoup de gens dans cette catégorie n'ont pas cette chance. Cependant, vous pouvez parfois les identifier par leur passe-temps ou leur travail bénévole. Plusieurs sont attirés par le service communautaire, comme l'Association des grands frères ou les programmes d'alphabétisation.

6 - Gestion des gens et des relations Vouloir conseiller et guider les gens est une chose ; vouloir les superviser en est une autre. Les gens qui ont un intérêt personnel inné dans le domaine de la gestion des gens et des relations aiment traiter avec les gens de façon quotidienne. Ils retirent beaucoup de satisfaction de leurs relations au travail, mais ils se concentrent beaucoup plus sur les résultats que les gens qui se situent dans la catégorie de counselling et mentorat. En d'autres mots, ils sont moins intéressés à voir les gens croître qu'à travailler avec et à travers eux afin d'atteindre les objectifs de l'entreprise, qu'il s'agisse de construire un produit ou de faire une vente. C'est pourquoi les gens qui ont un tel intérêt sont souvent heureux dans des postes de cadres hiérarchiques ou dans la vente. Prenons Tom, un diplômé de Harvard de 32 ans, qui s'est joint à une jeune entreprise d'informatique, il passait ses journées principalement à parler à d'autres ingénieurs et à tester des prototypes. Tom était sur le point de donner sa démission, lorsque la compagnie a annoncé qu'elle avait besoin de quelqu'un pour aider à mettre sur pied et à diriger une nouvelle usine au Texas. Tom a sauté sur l'occasion : au bout du compte, il dirigerait un personnel de 300 personnes et effectuerait les négociations avec les fournisseurs. Il a obtenu le poste et y est encore aujourd'hui après plus de cinq ans. Son désir de motiver, d'organiser et de diriger les gens a été complètement satisfait.

7 - Contrôle d'entreprise Sarah, une avocate, est une personne qui adore contrôler les choses et ce, depuis qu'elle est toute petite. Elle se sent bien lorsqu'elle est responsable de l'accomplissement d'un projet. Désirer trop de contrôle peut ne pas être très sain, tant pour les gens eux-mêmes que pour leur organisation, mais certaines personnes y sont poussées - de façon très saine - par un intérêt personnel inné au contrôle de l'entreprise. Sarah n'était pas particulièrement heureuse comme avocate, Mais elle a finalement satisfait son intérêt personnel inné pour le contrôle de l'entreprise lorsque, après un congé de maternité, elle a demandé de diriger le bureau de la compagnie à New York, où travaillent 600 avocats, commis et autres employés. Les gens qui ont un tel intérêt sont facilement reconnaissables au sein d'une organisation. Ils semblent le plus heureux lorsqu'ils dirigent des projets

8 - Influence par l'entremise du langage et des idées Certaines personnes aiment les idées dans l'abstrait, mais d'autres adorent les exprimer juste pour le plaisir que leur procure la lecture d'histoires, la négociation ou la persuasion. De telles personnes ont un intérêt personnel inné dans le domaine de l'influence par l'entremise du langage et des idées. Elles se sentent le plus satisfaites lorsqu'elles écrivent ou qu'elles parlent, ou les deux. Laissez-les communiquer. Les gens dans cette catégorie se sentent parfois attirés par une carrière dans les relations publiques ou la publicité, mais d'autres se retrouvent ailleurs, parce que parler et écrire est largement considéré comme une aptitude, pas une carrière. Et pour certains, la communication efficace est plus qu'une aptitude, c'est une passion. Une façon d'identifier ces personnes au sein de votre organisation est de remarquer qui se porte volontaire pour les projets de rédaction. Les gens qui ont un intérêt développé pour l'influence par le langage et les idées adorent la persuasion de toute sorte, parlée et écrite, verbale et visuelle. Ils aiment penser à leur auditoire (qu'il s'agisse d'une seule personne ou d'un million) et à la meilleure façon de communiquer avec lui. Comme nous l'avons déjà mentionné, il n'est pas inhabituel pour les gestionnaires de sentir qu'un employé a plus d'un intérêt personnel inné. C'est possible. Les paires d'intérêts personnels innés les plus fréquentes sont mentionnées ci-dessous. Contrôle d'entreprise et Gestion des gens et des relations. Ces personnes désirent diriger une entreprise de façon journalière, mais ils sont également intéressés à gérer les gens. Gestion des gens et des relations et Consultance (counselling) et mentorat. Ce sont des professionnels tout à fait axés sur les gens. Ils ont une forte préférence pour les rôles de gestion de services et en aiment l'aspect de première ligne où ils peuvent travailler dans un environnement voué au contact avec les clients. Ils ont aussi tendance à aimer les rôles de gestion de ressources humaines. Analyse quantitative et Gestion des gens et des relations. Ces personnes aiment les finances et les emplois qui s'y rattachent, mais ils ont aussi beaucoup de plaisir à guider les gens vers des objectifs établis. Contrôle d'entreprise et Influence par le langage et les idées. Il s'agit du profil le plus commun des gens qui aiment la vente. (Un intérêt dans la gestion des gens et des relations se retrouve aussi souvent chez les vendeurs satisfaits.) Cette combinaison se retrouve également fréquemment chez les directeurs généraux, spécialement ceux qui sont des leaders charismatiques. Application de la technologie et Gestion des gens et des relations. C'est l'ingénieur, le chercheur informatique ou d'autres personnes axées sur la technologie qui aiment diriger une équipe. Production créative et Contrôle d'entreprise. C'est la combinaison la plus fréquente parmi les hommes d'affaires. Ces gens désirent lancer des projets et décider quelle direction ceux-ci prendront. «Donnez-moi la balle et je vais marquer un but» est leur devise.

Timothy Butler et James Waldroop
Traduit par Michel Maher

Source : Effectif, volume 2, numéro 5, novembre /décembre 1999

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