L'Angleterre publie un magazine sur cette pratique née il y a 4 000 ans en Chine. La France et les États-Unis comptent aussi leurs adeptes du Feng Shui et, surtout, leurs vedettes qui ne savent plus à quel aménagement intérieur se vouer. Tendance de l'heure pour les uns, véritable religion pour les autres, le Feng Shui est un phénomène de plus en plus observable au Québec.
À la base, le Feng Shui est l'art d'aménager les espaces pour laisser circuler l'énergie. Pour connaître éventuellement la prospérité, la santé, le bonheur, pour augmenter notre efficacité au travail et avoir une vie sociale plus stimulante.
Davantage suivies dans les demeures, les règles du Feng Shui ont aussi leur place en milieu de travail, selon les maîtres de cet art. «Pour que les affaires marchent, l'énergie doit circuler, explique Hassan Mabrouky, propriétaire des restaurants Pacifique (à Montréal et à Ville Mont-Royal) et consultant en Feng Shui depuis quelques années. La nature joue un rôle primordial sur nous. À nous de nous harmoniser avec elle.»
Si, à Hong Kong, on ne déplace aucun bureau ou on ne réaménage aucun étage sans avoir pris la peine de consulter un expert en Feng Shui, comme l'écrit Lillian Too dans Le Guide illustré du Feng Shui, la pratique est beaucoup moins courante ici. British Airways, Marks & Spencer, Body Shop en Angleterre, Citibank et Shell aux États-Unis auraient fait appel à des experts en Feng Shui. Vérification faite à Montréal auprès de quelques filiales : on doute que les principes de cette science chinoise aient été appliqués ici.
À ce titre, c'est dans le milieu de la restauration que proviennent la plupart des demandes de consultation d'Hassan Mabrouky. «C'est 40 % de toutes mes consultations, confirme-t-il. Je n'ai que très peu de demandes venant des entreprises. Car les gens qui y travaillent sont pour la plupart pragmatiques. L'avocat n'a pas le temps de penser à lui. Il est tout le temps stressé.»
Mis à part l'hôtel Holiday Inn Select érigé dans le quartier chinois de Montréal, difficile de trouver des entreprises ayant eu recours au Feng Shui. Ou sont elles réticentes à admettre qu'elles ont fait appel à une science dont les origines remontent à la nuit des temps? «Les gens hésitent un peu à faire savoir qu'ils ont fait appel au Feng Shui de peur de passer pour superstitieux», dit le journaliste Alexandre Sirois, dont le journal La Presse a récemment publié un article sur le sujet.
Car il est facile de ranger le Feng Shui dans le même tiroir que l'astrologie et la numérologie, les effets n'en étant pas tangibles. Et c'est sans compter le fait que l'expert en Feng Shui appelé dans un endroit «énergétiquement» défaillant commence bien souvent son travail en demandant la date de naissance du patron de l'entreprise ou du résidant de la maison!
Selon les «pratiquants», le Feng Shui repose sur plusieurs principes qui permettent de faire circuler l'énergie en notre faveur. Parmi les facteurs qui entrent en considération, la couleur, la texture des matériaux qui nous entourent, les revêtements de sol, la forme des pièces. En ce sens, le rouge, les formes carrées, le marbre et le verre procurent une énergie activante. Au contraire, le bleu, les formes sinueuses, les moquettes, les bois tendres et naturels procurent une énergie qui apaise. Par ailleurs, des entrées mal placées et des objets aigus ou pointus peuvent faire fuir le Chi, l'énergie en question.
Vous avez décroché? Pourtant, le fait d'être ouvert au Feng Shui peut être bénéfique, selon Hassan Mabrouky qui ne force cependant personne à suivre sa doctrine. «Nous sommes là pour des gens qui détectent qu'il y a un problème, dit-il. Il est toujours mieux de consulter avant d'aménager, mais on peut consulter lorsqu'on ressent que quelque chose ne va pas. C'est pourquoi je me définis comme un médecin.»
Un petit tour à son restaurant Pacifique, rue Mont-Royal, nous montre comment le propriétaire a utilisé les principes du Feng Shui : gros aquarium à l'entrée avec plusieurs poissons qui représentent la vie, donc l'énergie, espace tout en rondeur, ventilateurs au plafond, autre élément favorisant la circulation de l'énergie, plantes pour dissimuler les coins pointus, beaucoup de bois, sur les tables évidemment, mais également dans les toilettes. «On ne retrouve que des éléments de la nature ici», affirme le propriétaire.
Hassan Mabrouky a commencé à s'intéresser au Feng Shui alors qu'il était agent immobilier. «Au fil des ventes, je me demandais pourquoi certaines maisons se vendaient très bien et d'autres non, se rappelle-t-il. Lorsque je visitais des demeures avec des Asiatiques, je les voyais sortir leur Luo Pan (boussole chinoise à huit directions permettant de détecter le bon et le mauvais Chi). Ça m'a intéressé. Je suis parti à Hong Kong pour en apprendre plus et j'ai acheté beaucoup de livres sur le sujet.»
Depuis trois ans, il travaille en équipe avec un maître chinois qui met en pratique les principes du Feng Shui depuis 35 ans. Il y a quelques mois, ce cordonnier bien chaussé a offert quelques conseils à un architecte dont les affaires ne fructifiaient pas. «Il a aménagé un beau bureau, mais tout était en pointe, raconte Hassan Mabrouky. Il faut éviter les éléments pointus, car ils représentent des flèches empoisonnées. Je lui ai notamment conseillé d'arrondir l'entrée de son bureau. On peut changer un espace tout en suivant les normes de construction. Mais il faut avant tout aménager selon les normes environnementales pour que l'énergie circule mieux.»
Récemment, il a suggéré à une entreprise pharmaceutique de Québec de repenser son logo. «Les dirigeants n'arrivaient pas à obtenir de prêts gouvernementaux, explique-t-il. Le logo circulaire, qui apparaissait notamment sur la papeterie, avait une forme qui rappelle le mouvement inverse des aiguilles d'une montre.»
Plusieurs principes s'appliquent également à l'aménagement des aires de travail à proprement parler, qu'on soit à la maison ou en entreprise (voir encadré). D'abord, les points cardinaux. Selon Simon Brown, auteur du livre Votre maison sous bonne influence grâce au Feng Shui, le bureau devrait toujours être orienté vers l'est. «Ce qui a pour effet de nous rendre très actif, de nous aider à nous concentrer et à mettre nos idées en pratique, écrit-il. C'est la position idéale pour favoriser un début de carrière fulgurant.»
Une orientation au sud a aussi ses avantages. «Une telle orientation aide à progresser et à nous faire apprécier au travail. Le nord-est est parfait pour les positions impliquant la prise de responsabilité ou un travail d'organisation. C'est une position qui attire le respect d'autrui et convient tout particulièrement si vous dirigez une équipe.»
«Lorsqu'on aide les gens à corriger l'aménagement d'un espace, si c'est un petit bureau, on se fie au départ à la date de naissance du patron, confie Hassan Mabrouky. Puis, on analyse l'emplacement. Les bâtiments qui sont susceptibles de bénéficier d'un bon Feng Shui sont ceux, par exemple, qui sont bien adossés à une montagne et non ceux qui y font face.»
Avant de construire le Centre Molson, demeure du club de hockey Canadien de Montréal, face au mont Royal, l'organisation aurait dû songer au Feng Shui !
Comment stimuler l'énergie ?
À plus grande échelle, Lillian Too, auteure du Guide illustré du Feng Shui, suggère ceci dans l'aménagement d'un bureau d'entreprise :
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Isabelle Massé
Source : Effectif, volume 2, numéro 4, septembre /octobre 1999