Vous lisez : Du bon usage des tests

Devant la complexité des processus et des décisions en ressources humaines, qui n'a pas un jour rêvé d'utiliser un test qui permettrait d'avoir une réponse claire aux questions qui se posent?

L'engouement actuel pour les tests psychométriques et autres formes de tests démontre sans doute à la fois la préoccupation d'obtenir des mesures plus valides et une certaine naïveté quant à l'aspect magique du processus.

Lorsqu'ils sont bien employés par un utilisateur qui en a les compétences, les tests peuvent apporter un soutien appréciable dans les processus des ressources humaines. Mal exploités par des utilisateurs insuffisamment formés, les tests peuvent avoir un impact négatif important et créer des problèmes inutiles.

Beaucoup de gens confondent l'ensemble des tests connus et disponibles. Les tests peuvent être regroupés en quatre grandes catégories: les tests d'aptitudes, les tests de personnalité, les tests d'intérêts et les échantillons de travail (ce qui inclut les tests de connaissances). Le principal usage des tests est de prédire une performance à laquelle on s'attend et de discriminer entre des personnes qui sont susceptibles d'atteindre éventuellement cette performance et celles qui n'ont pas de chance d'arriver aux résultats attendus.

Pour prédire la performance à une tâche donnée, les tests d'aptitudes et les échantillons de travail peuvent être très efficaces, alors que l'utilisation des tests de personnalité devrait être réservée à des situations où les caractéristiques personnelles des candidats constituent des compétences recherchées, ce qui n'est pas le cas la majeure partie du temps. L'usage des tests de personnalité devrait être réservé à des personnes qui ont à la fois des connaissances en psychométrie et des connaissances dans les différentes théories de la personnalité, soit habituellement des psychologues et des conseillers en orientation.

Plusieurs situations sont propices à l'usage des tests, notamment la sélection, l'identification et la planification de la relève, le choix des candidatures dans un cadre de promotion, l'établissement d'un plan de développement personnalisé. Les tests peuvent aussi être utiles dans le diagnostic d'un problème de sous-performance au travail, sous certaines conditions.

Les tests sont surtout utiles pour prédire un résultat escompté. On s'intéresse donc au futur. Quand on est aux prises avec une évaluation de rendement insatisfaisante, on fait des constatations par rapport au passé. Des renseignements sont normalement disponibles tant en ce qui a trait aux attentes de l'organisation que sur le plan de la performance réalisée et on peut en mesurer l'écart. Il n'y a donc pas lieu de prédire quoi que ce soit, on est déjà en mesure de constater des résultats.

Quand l'usage de tests permet de dire qu'une personne a les capacités et les prédispositions pour accomplir un travail donné, on fait une inférence par rapport au futur. Cette inférence peut être validée ou non par les expériences concrètes. Il arrive parfois que des gens aient de très bonnes aptitudes et des traits de personnalité qui leur permettraient d'effectuer une tâche donnée et que, dans les faits, le rendement constaté ne soit pas compatible avec leur potentiel. Deux principaux facteurs peuvent expliquer cet écart : des difficultés personnelles de l'employé et une mauvaise organisation du travail.

Même s'il peut être tentant de rechercher des moyens magiques qui permettront de comprendre et de documenter la situation, l'évaluation de potentiel ou les tests psychométriques ne peuvent être utilisés d'une façon adéquate dans un contexte où on s'attend à procéder à un congédiement ou à une mise à pied.

Une évaluation de potentiel pourrait se justifier après avoir constaté un rendement insatisfaisant à la condition qu'elle soit acceptée par le candidat dans une optique de meilleure connaissance de soi et de résolution de problèmes, ce qui pourrait permettre d'élaborer un plan de développement personnalisé et un plan d'action approprié.

En présence d'un problème de rendement au travail et d'une personne consentante à passer des tests, il faut aussi s'assurer de l'état psychologique pour que les résultats puissent ensuite être considérés comme valides. Une personne aux prises avec une dépression ou un épuisement professionnel (burnout) est susceptible d'avoir des problèmes de rendement au travail, mais elle n'est pas dans un état adéquat pour qu'il soit possible de mesurer d'une façon efficace ses aptitudes et ses compétences.

Même si les tests peuvent être très attrayants comme méthode de mesure dans les processus de gestion des ressources humaines, plusieurs précautions doivent être prises pour en assurer un usage adéquat et respectant les droits des personnes impliquées et les principes scientifiques.

Attention aux tests psychométriques
La Commission des droits de la personne agit en faveur d'une personne dont la candidature au poste de conseillère en placement a été rejetée, parce qu'elle aurait échoué des tests de personnalité. L'employeur et la firme conseil responsable de l'administration des tests sont poursuivis solidairement devant le Tribunal des droits de la personne. Comme les résultats de la plaignante ont été détruits dans les jours qui ont suivi leur dévoilement à l'employeur, le Tribunal conclut que le rejet de sa candidature résulte de son échec aux 3 tests. La juge estime que la simple perception négative sur la personnalité de la plaignante principalement suite à des tests visant à mesurer le niveau de codépendance constitue de la discrimination fondée sur le handicap. Qu'elle soit atteinte de ce handicap ou non, la simple perception négative des faiblesses psychologiques de la salariée constitue de la discrimination. Le Tribunal condamne l'employeur et la firme conseil à verser 7 500$ de dommages.

Commentaires
Le Tribunal considère que dans tous les cas, qu'ils soient de nature médicale ou psychologique, les tests pré-embauche portent atteinte aux droits reconnus par la Charte. Le Tribunal met donc en doute la légitimité de passer de tels tests à tous les candidats. Le Tribunal se limiterait aux candidats à qui une offre d'emploi a été faite. Cependant, de tels tests pourraient être justifiés dans la mesure où l'employeur démontre l'exigence normale de l'emploi. En l'espèce, le test visant à mesurer les habilités de communication n'était aucunement une exigence particulière de conseillère en placement, car les habilités de communication sont une qualité de base requise pour tout emploi. Ainsi, la discrimination n'était pas justifiée en l'espèce.

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Institut Demers inc., DTE 99T-1106 (T.D.P.Q.) Juge Michèle Rivet

Source : Les Avocats Le Corre & Associés, Gestion Plus Info-Employeur, Février 2000

Anne Geneviève Girard, Ph. D. est psychologue industrielle, chez Melanson Girard Maletto et associés inc.

Source : Effectif, volume 3, numéro 1, janvier / février  / mars 2000

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