Vous lisez : Savoir aborder les sujets délicats...

Judith, gestionnaire expérimentée, sort d’une rencontre éprouvante : son patron lui a annoncé que le projet sur lequel elle travaillait avec son équipe depuis des mois n’est plus une priorité et est gelé pour un temps indéterminé. Bien que personne ne soit mis à pied, Judith sait que la motivation de l’équipe en souffrira. Comment annoncer cette mauvaise nouvelle en minimisant l’impact négatif sur l’équipe?

Rachid, conseiller RH, est préoccupé. Cet après-midi , il rencontre Gilles afin de lui annoncer que sa demande de congé est refusée. Il sait que Gilles est capable de s’exprimer avec force et colère lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il demande. Comment faire pour que la conversation se déroule dans le calme?

Isabelle, professionnelle au sein d’une équipe RH, aime beaucoup socialiser avec ses collègues. Elle aimerait bien que toute l’équipe soit au prochain cinq à sept qu’elle organise, mais Ouda refuse de participer. Elle aimerait la convaincre de venir, mais est mal à l’aise car elle ne sait pas si une question religieuse est en cause. Comment aborder la question avec Ouda sans la heurter?

Dans des contextes fort différents, Judith, Rachid et Isabelle font tous les trois face à des conversations délicates. Deux critères permettent de distinguer une telle conversation d’une autre. Premièrement, c’est une conversation avec des personnes significatives ; un bris de relation aurait comme conséquence d’affecter le climat et l’efficacité du travail. Deuxièmement, elle comporte une charge émotive pour au moins une des personnes, qui doit être reconnue si on espère qu’elle soit constructive.

Voici des pratiques permettant de mieux gérer cette charge émotive afin d’augmenter les chances que les enjeux importants soient nommés et résolus, tout en préservant la relation.

Se préparer à une conversation délicate

  1. Reconnaître et calmer sa réaction émotive
    Prenez un moment pour penser à la situation et reconnaître ses effets sur vous sans tenter de la résoudre :
    • Quelles sont mes pensées, mes critiques, mes blâmes?
    • Qu’est-ce qui m’irrite, me frustre, me fait peur?
    • Quelles sont les sensations présentes dans mon corps?

    Laissez mijoter au moins 10 minutes. À faire assis ou en marchant jusqu’à ce que vous ressentiez un certain apaisement.
  2. Préciser son intention
    L’intention est l’attitude avec laquelle vous voulez aborder la situation. Clarifier son intention permet d’entreprendre la conversation avec plus de confiance et constitue un repaire auquel on peut revenir, peu importe le déroulement de la conversation. Exemples d’intention :
    • Être ouvert à ce que l’autre a à me dire
    • Être direct et franc dans mon message
    • Garder le lien même si c’est difficile
    • Être patient
  3. Préparer son entrée en matière
    Choisissez l’attitude et les mots qui vous permettront d’aller droit au but tout en diminuant les risques que l’autre en fasse une affaire personnelle ou se mette sur la défensive. Une bonne manière de procéder est de débuter en parlant de vos intentions, de vos préoccupations et de vos aspirations. Une fois la phrase écrite, lisez-la à voix haute et évaluez comment vous vous sentez. L’objectif est de vous permettre de prendre confiance et de diminuer votre stress avant la rencontre.

En s'exprimant

  1. Ralentir et respirer
    Nombre de personnes augmentent le volume et le débit lorsque leur tension intérieure monte. Lorsque vous en prenez conscience, prenez simplement deux grandes respirations; cela a pour effet de ralentir la conversation en plus de baisser votre niveau de stress. Si vous avez besoin de plus de temps, prenez une gorgée d’eau.
  2. Oser nommer ses sentiments
    Paradoxalement, un sentiment identifié perd de sa puissance et devient plus facile à gérer. De plus, lorsqu’il est nommé de manière à ne pas accuser l’autre, il est souvent perçu comme un signe d’ouverture.

En écoutant

  1. Traiter un sujet à la fois
    Laissez chacun des sujets être traité complètement, sans quoi ils s’enchevêtrent et le stress qu’ils comportent devient exponentiel. Pour ce faire, redites ce que vous avez entendu à la satisfaction de votre interlocuteur avant d’ajouter quoi que ce soit.
  2. Écouter toute la personne
    Portez attention à l’expression corporelle de l’autre, pas uniquement à ses mots. Comment vit-elle ce sujet, ce moment? Que veut-elle vraiment transmettre? Plus de la moitié des informations de toute expression passent par là!
  3. Arrêter d’écouter lorsqu’on n’est plus capable
    Remarquez l’impact sur vous-même de ce que vous entendez : portez votre attention sur votre respiration, vos sensations corporelles et sur vos pensées. Évaluez si vous avez toujours l’espace intérieur pour recevoir de l’information, puis choisissez de continuer d’écouter si cela a toujours du sens pour vous ou partez au besoin.

Bien sûr, ces pratiques ne sont pas une panacée : Judith, Rachid et Isabelle auront besoin de courage, de patience et d’ouverture. Par contre, elles constituent un levier pour passer outre l’inconfort initial et oser aborder des sujets délicats avec plus de confiance.


À propos de l’auteur
Jean-Philippe Bouchard, CRHA est coach, formateur et consultant en développement organisationnel. Il se spécialise en développement du leadership et en amélioration du climat des équipes de travail. Depuis plus de 15 ans, il accompagne les gestionnaires de grandes organisations autour de thème du leadership collaboratif, du dialogue, de la transformation des conflits et de la performance en équipe. On peut le joindre par téléphone [514 947-5220] ou par courriel [jpbouchard@spiralis.ca]. Site web : spiralis.ca

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