Vous lisez : L'obligation d’accommodement au moment de l'embauche

Vous êtes candidat à un poste, lequel vous est refusé en raison de votre handicap. Ou encore, à titre de représentant de l’employeur, vous êtes en présence d’une personne qui postule un poste tout en ayant un handicap. Comment réagir en pareilles circonstances? L’employeur doit-il consentir un accommodement au candidat avant même qu’il y ait formation du lien d’emploi? Qu’en est-il des droits et obligations du candidat et de l’employeur?

Il faut rappeler que la Charte des droits et libertés de la personne consacre le droit à l’égalité de toute personne. Ainsi, s’il est reconnu qu’une personne fait l’objet de discrimination, naît alors l’obligation d’accommodement.

Les motifs de discrimination à l’embauche les plus fréquemment invoqués devant les tribunaux sont le handicap, le sexe, la grossesse et l’état civil. À titre d’exemple, un tribunal a considéré que le refus d’un employeur d’embaucher une candidate à un poste de vendeuse dans un magasin à rayons en raison de sa petite taille constituait de la discrimination fondée sur le  handicap. L’employeur justifiait sa décision en invoquant que la candidate ne pouvait atteindre les étagères élevées et servir les clients aussi efficacement que les autres employés. Il ajoutait que la taille de la candidate aurait pu causer des problèmes de sécurité. Le tribunal a retenu la plainte de la candidate aux motifs que l’employeur aurait pu « l’accommoder » en achetant un banc et qu’aucune preuve n’établissait que le banc pouvait causer des problèmes de sécurité ou que la candidate ne serait pas en mesure d’effectuer correctement les tâches du poste. En conséquence, l’employeur a été condamné à payer à la candidate une indemnité équivalant à un mois de salaire, en plus d’une somme de 1400 $ pour dommages moraux.

Dans une autre affaire, la candidate avait postulé un poste de secrétaire-trésorière adjointe dans une municipalité. L’employeur n’a pas retenu sa candidature pour deux motifs : d’abord parce que le mari de la candidate était conseiller municipal pour cette municipalité et ensuite parce qu’elle serait probablement moins disponible qu’une autre candidate du fait qu’elle avait de jeunes enfants. Il faut noter que, même si plusieurs motifs sont pris en compte dans la décision de ne pas embaucher une personne, il suffit qu’un seul de ces motifs soit discriminatoire pour qu’il y ait discrimination. Ainsi, le tribunal a conclu qu’il y avait eu traitement discriminatoire fondé sur le sexe de la candidate, puisque l’employeur avait pris en compte le fait qu’elle était mère de jeunes enfants pour décider de ne pas l’embaucher. Le tribunal a donc condamné l’employeur à payer le salaire prévu pour la durée du contrat de travail ainsi qu’une somme de 4000 $ pour dommages moraux.

Bien qu’il ne fasse aucun doute que l’obligation d’accommodement s’applique au moment de l’embauche, cette obligation n’est ni absolue, ni illimitée. En conséquence, on ne saurait imposer à l’employeur une obligation qui lui causerait une contrainte excessive. Une contrainte excessive survient notamment lorsque l’embauche du candidat aurait pour effet de dénaturer l’essence du contrat de travail, soit l’obligation pour l’employé de fournir une prestation contre rémunération. De ce fait, on ne pourrait obliger l’employeur à créer un poste sur mesure pour un candidat, si ce poste ne répond pas aux besoins de l’employeur. Il en serait de même si une telle embauche occasionnait des coûts excessifs et déraisonnables ou comportait des dangers pour la santé et la sécurité du candidat, des autres employés ou du public en général.

De plus, bien qu’il incombe principalement à l’employeur de proposer des solutions d’accommodement, le candidat à l’emploi ainsi que le syndicat, le cas échéant, doivent collaborer activement avec l’employeur pour trouver des solutions acceptables. Le défi qu’impose l’obligation d’accommodement est d’en arriver à une solution qui assure le droit à l’égalité des candidats, tout en permettant à l’employeur de gérer efficacement son entreprise.

Philippe Levac, CRIA, est avocat au sein du Groupe de l’emploi et du travail chez Ogilvy Renault.

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