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Les sources du leadership individuel.

Quelles sont les contributions respectives de la génétique et de l’acquis au leadership individuel? En d’autres mots, le leadership est-il inné ou peut-il s’apprendre? Voilà une question importante pour un coach qui doit accompagner un gestionnaire dans son développement.

Selon certains chercheurs, les gènes participeraient à hauteur d’environ 49 % à la détermination initiale des qualités habituellement liées au leadership. Mais si la génétique est une variable importante dans l’émergence d’un leader, l’environnement joue un rôle tout aussi grand, ce qui laisse donc place à des expériences de développement individuel du leadership, comme le coaching.

Voilà donc qui relativise la théorie du « grand homme » ou du « leadership héroïque » développée en 1840 par Thomas Carlyle, selon laquelle les dirigeants disposent de toutes les qualités de leader dès la naissance.  

Une notion floue

Le leadership demeure une notion relativement imprécise sur laquelle tout le monde a une opinion. Si vous pensez qu’on a compris aujourd’hui ce qu’est le leadership, il suffit de faire une recherche sur le site d’Amazon.com pour obtenir 100 000 propositions d’ouvrages sur le sujet. Imaginez maintenant le nombre d’articles, de mémoires et de thèses sur le sujet! Il y a d’ailleurs toute une industrie du leadership qui vit de ces « recettes du leadership ».

Bref, comprendre ce qu’est le leadership semble beaucoup plus compliqué que de trouver le secret de la Caramilk!

Le coaching en leadership : un défi

Pour un coach, le leadership n’est pas un sujet simple à aborder avec ses clients, surtout si son but est précisément de développer leur leadership.

La grande difficulté est qu’on se fait du leadership une image idéale inspirée de la personnalité de certains individus considérés comme exceptionnels, selon la pensée de Carlyle. En réalité, ce sont les actes posés par ces individus qui sont importants, pas leur personnage. Donc, pour accompagner les gestionnaires, le coach doit comprendre que le leadership n’est pas un état en soi – personne ne se lève le matin en se disant « je suis un leader » –, mais le fait d’accomplir des tâches clés et de voir ce qui est essentiel.

Pour accompagner les gestionnaires, il est utile de se rappeler les paroles de Peter F. Drucker : « Aucune institution ne peut survivre si elle a besoin de génies ou de supermen pour la gérer. Elle doit être organisée de telle manière qu’elle puisse fonctionner avec une direction composée d’êtres humains ordinaires. »

Les tâches essentielles du leader

Le mot « leadership », dont on retrouve les racines étymologiques dans les vieilles langues scandinaves et allemandes, signifiait « porter une charge », avec l’idée de service rendu aux autres. Donc, en coaching de gestionnaires, aborder le leadership sous l’angle de la responsabilité envers une mission à accomplir et envers les autres est un point de départ utile. En quelque sorte, c’est être le chef, ce qui dit tout de la personne qui exerce un rôle de leadership. Être le chef, c’est montrer la voie.

Il ne suffit pas de se lancer en avant, sans réflexion, en comptant uniquement sur son audace ou sa bonne étoile pour être un chef. Il faut avoir le sens de la réalité. Il est nécessaire que l’intuition du chef soit soutenue et que ses capacités constructives soient tempérées par le sens pratique. Qu’est-ce que c’est le sens du réel dans le coaching du gestionnaire? C’est se dire que le gestionnaire-chef a déjà des caractéristiques génétiques manifestes qui le prédisposent au leadership, le reste étant une affaire de travail sur soi et du développement de ses forces latentes ou émergentes.

Bien sûr, cela n’est pas donné à tout le monde, et tout le monde n’a pas envie de s’y consacrer. Comme Abraham Zaleznik en a fait la démonstration il y a déjà quelques décennies dans son fameux article « La dynamique de la subordination », il y a des personnes qui aiment dominer alors que d’autres préfèrent se soumettre aux autres. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des leaders et des suiveurs. 

Développement et leadership

Le leadership se développe un peu comme un arbre dans la nature. Il est donc important qu’il y ait déjà une graine, des racines, une structure qui peut s’épanouir. Pendant le coaching, bien des gestionnaires s’épanouissent comme leader après avoir appris à mieux exercer leur influence, à mieux communiquer, à développer leur pensée stratégique, à avoir une meilleure présence, à raffiner leurs habiletés politiques, à mobiliser leur équipe, à faire confiance aux autres, bref à accomplir des tâches essentielles.

Laurent Lapierre, professeur à HEC Montréal, a écrit que le rôle du leader était de simplifier pour les autres ce qui est complexe. Mais pour simplifier, poursuit-il, « il faut voir et saisir suffisamment ce qu’est la complexité et ainsi évaluer les conséquences d’une décision sur l’ensemble ». Il est aussi crucial de voir l’objectif, ce qui est central. C’est pour ainsi dire quitter la stratosphère de la pensée magique et  ramener le leadership au niveau du plancher des vaches. Même Napoléon avait une vision pratique des choses lorsqu’il disait : « Avec de l’audace, on peut tout entreprendre, mais on ne peut pas tout faire. »

L’objectif du coaching des leaders n’est pas de les amener à croire qu’ils sont de « grands hommes » ou de « grandes femmes », mais des chefs efficaces capables de mobiliser les autres pour atteindre les objectifs de l’organisation tout en donnant un sens à la vie et au travail des gens qui les entourent. Donc, au bout du compte, le coaching pourra aider le gestionnaire à :

  • maîtriser sa manière d’être un leader de manière consciente et authentique;
  • comprendre ce qu’est l’exercice efficace du leadership en accomplissant des tâches essentielles;
  • gérer les perceptions des autres à l’égard de son leadership en agissant comme un chef qu’on a envie de suivre.

Réfléchir et tirer des leçons des défis quotidiens de leadership auxquels il fait face peut être difficile pour tout gestionnaire absorbé dans son rôle exigeant. Le coaching lui donne l’occasion de prendre du recul afin de devenir plus conscient de toutes les dimensions pratiques de l’exercice de son leadership.

Pour aller plus loin : quelques suggestions de lecture

  • Homo Administrans. “The Biology of Business”, The Economist, 23 septembre 2010.
  • Scott Shane (2010). Born Entrepreneurs, Born Leaders. How Your Genes Affect Your Work Life, Oxford University Press, New York.
  • Jan-Emmanuel De Neve, Slava Mikhaylov, Christopher T. Dawes, Nicholas A. Christakis, James H. Fowler (2013). “Born to lead? A twin design and genetic association study of leadership role occupancy”, The Leadership Quarterly, 24, p. 45-60.
  • Thomas Carlyle (1849). On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History, Houghton-Mifflin, Boston.
  • Christina Blais. Le secret de la CaramilkTM
  • Peter F. Drucker (1993). Concept of the Corporation, Transaction Publishers, Piscataway, NJ, p. 26.
  • Abraham Zaleznick (1965). “The Dynamics of Subordinacy”, Harvard Business Review, May-June 1965.
  • Laurent Lapierre (2012). On dirige comme on est, Presses de l’Université du Québec, Montréal.
  • Honoré de Balzac (1999). Maximes et pensées de Napoléon, Éditions de Fallois, Paris.
  • The Power of Active Followers, from Mission Control to Mountain Climbing, Knowledge Wharton, University of Pennsylvania.

À propos de l’auteur

Yvon Chouinard, CRHA, ACC, est coach exécutif et d’équipe de direction au Groupe Pauzé. Il est aussi consultant en implantation de programmes de mentorat. On peut le joindre par téléphone [514 951-6714] ou par courriel [ychouinard@groupepauze.com].

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